Interview : Mme Georgina Djidonou-Amaral, 35 ans d’engagement au service de la justice

Dans le cadre de notre projet « Célébrons nos icônes », notre webmagazine a eu le privilège d’interviewer Mme Georgina Djidonou-Amaral, présidente de la Chambre administrative de la Cour suprême du Togo. Au cours de cet échange, elle évoque son parcours dans le domaine juridique et partage sa vision de la justice. Elle aborde les défis auxquels est confronté le système judiciaire et met en avant l’importance cruciale de l’intégrité et de l’éthique dans l’exercice de la fonction publique. Son engagement en faveur de l’État de droit et de l’égalité fait d’elle une figure inspirante pour les générations à venir.

Bonjour madame, présentez-vous-en quelques mots.

Je suis Mme Georgina Djidonou-Amaral. Je suis la présidente de la Chambre administrative de la Cour suprême.

Depuis combien d’année travaillez-vous dans le domaine et quel type de droit pratiquez-vous ?

J’ai commencé en 1990, je fais déjà 35 ans de service. Je pratique le droit contentieux administratif. Le contentieux administratif, c’est par rapport aux actes de l’administration qui font grief aux administrés. C’est ce contentieux qui gère les conflits entre l’administration et les administrés.

Mme Georgina Djidonou-Amaral

Qu’est-ce qui vous a motivé à choisir ce domaine ?

Il faut dire qu’en tant que magistrat, on est pluridisciplinaire. On fait le droit judiciaire, on peut faire le droit administratif aussi. Mais c’est lors d’une affectation que j’ai été mutée à la Chambre administrative de la Cour suprême, d’abord comme conseillère et trois ans après, comme présidente de la Chambre.

Pouvez-vous nous rappeler les postes que vous avez eu à occuper jusqu’à ce jour.

J’ai commencé ma carrière en 1990 au tribunal de première instance de Kpalimé, où j’ai d’abord exercé en tant que juge d’instruction pendant trois ans. En 1993, j’ai été promue présidente de ce même tribunal. En 1996, j’ai quitté Kpalimé pour Lomé, où j’ai occupé le poste de substitut du Procureur de la République. Par la suite, j’ai été juge des enfants et présidente du tribunal du travail.

Entre 1998 et 1999, j’ai été nommée doyen des juges d’instruction à Lomé, un poste que j’ai occupé jusqu’en 2004. En 2005, j’ai rejoint la Cour d’appel, et de 2005 à 2009, j’ai été mutée à la Cour suprême en tant que conseillère à la Chambre administrative. Depuis 2012, j’occupe le poste de présidente de cette Chambre.

Quel a été le moment le plus marquant de votre carrière jusqu’à présent ?

Je dirais le moment le plus marquant, c’est tout récent. Parce qu’il y en avait, il y avait plein de choses. Le moment le plus récent, c’est lors de la proclamation des résultats des élections municipales qui se sont tenues pour la première fois en 2017. Je me suis rendue utile à la République. C’est vrai qu’en étant magistrate, on tranchait au nom du peuple Togolais. Mais là, on a touché du doigt vraiment quelque chose de national et c’est la première fois que c’est arrivé.

Mme Djidonou-Amaral (milieu) lors de la proclamation des résultats des élections municipales

Durant votre parcours, est-ce que vous avez déjà rencontré des obstacles spécifiques en tant que femme ?

En tant que femme, je suis bien consciente des pesanteurs socio-culturelles avec des préjugés sur la femme. Personnellement, j’ai dû faire face à de nombreux stéréotypes. Cependant, j’ai toujours mis en avant mon travail et mes compétences pour les surmonter. Beaucoup de gens doutent de la capacité d’une femme à devenir magistrate et à occuper des postes de responsabilité.

Pensez-vous que des progrès ont été réalisés en matière d’égalité des genres dans le domaine juridique ?

Oui, je dirais que des progrès sont notables. Ils ont été réalisés, notamment en termes d’accès des femmes à la magistrature et à des postes de responsabilité. Pour briser le plafond de verre, en particulier dans les hautes juridictions, il faut qu’on arrive à nommer des femmes. C’est vrai qu’il n’y a pas assez de femmes dans la magistrature. Sur 200-230 magistrats, il y a à peine une vingtaine de femmes. Donc, il faut faire la promotion déjà au niveau de la formation pour qu’il y ait assez de femmes, pour pouvoir pallier à ce problème. Quand les femmes occupent des postes, elles y tiennent, elles se battent pour réussir. Je crois que si on intègre assez de femmes, il y aura des améliorations.

Avez-vous eu des mentor(e)s ou des modèles dans votre carrière ? Si oui, comment ont-ils influencé votre parcours ?

Oui, j’ai eu la chance d’avoir des mentors qui m’ont encouragée à croire à mes capacités. Lorsque je parle de mentorat, je me réfère toujours à ma grand-mère maternelle, qui m’a élevée. Dans les années 60, c’est une femme qui a su se départir de tout pour pouvoir avancer. Les valeurs qu’elle nous a transmises, c’est ça que j’utilise jusqu’à ce jour.

Maintenant, par rapport au corps de la magistrature, on peut dire que les aînées, qui nous ont devancé, ont eu une certaine influence sur notre vie. Parce qu’elles ont fonctionné avec fermeté, avec rigueur. Tout pour la justice, tout pour le droit. Et c’est par rapport à ces mentors que nous aussi, nous nous sommes battues pour en arriver là aujourd’hui.

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Que diriez-vous aux jeunes femmes qui souhaitent se lancer dans une carrière juridique ?

Aux jeunes filles, à mes jeunes sœurs, je dirais qu’à ce jour, tous les moyens sont donnés par le gouvernement pour les encadrer. Il ne faut pas qu’elles hésitent. Je lance un appel aux jeunes filles qui ont pu embrasser la carrière juridique de faire une spécialisation en magistrature, après le Master 2, de ne pas hésiter à passer le concours d’entrée à l’école de la magistrature afin qu’on ait assez de femmes parmi les hommes..

Du moment où elles ont réussi à leurs études jusqu’à ce jour, avoir leur maîtrise, le Master 2, ça veut dire qu’elles ont l’aptitude, la compétence qu’il faut. Maintenant, quand elles vont embrasser le corps, il faut qu’elles prônent la fermeté. Il ne faut que leurs ambitions soient bloquées par des barrières sociales qui sont maintenant obsolètes.

À notre égard, on dit toujours que nous sommes rigoureuses. On a besoin de cette rigueur-là dans la justice. Aux parents qui hésitent, je rappelle que l’éducation est le levier de l’émancipation et peut permettre à leurs filles d’accéder à des carrières. Donc, je les invite à orienter leurs filles vers la carrière juridique.

Quels sont vos objectifs professionnels pour les prochaines années ?

Je souhaite consacrer plus de temps à la formation parce que j’enseigne au centre de formation des magistrats ainsi que des avocats et à l’accompagnement des jeunes magistrats, en particulier les jeunes filles. Elles peuvent s’adresser à votre organe pour programmer des séances à leur égard afin que l’objectif soit atteint.

Lors de la rédaction de cette interview, nous avons appris la nomination de Mme Djidonou-Amaral parmi les 20 sénateurs choisis par le chef de l’État, Faure Gnassingbé. Nous vous présenterons son portrait dans nos prochaines parutions.

Propos recueillis par Farrida Ouro-Adoï

L’interview en vidéo

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