Interview/Mme Anite-Gbouhi, une voix influente du cinéma togolais et un modèle pour la génération montante

Mme Lelly Kossa Anite-Gbouhi est une figure du cinéma, une passionnée du 7e art ayant su marquer son empreinte au fil des années. Avec un parcours exceptionnel, elle a su s’imposer comme l’une des voix influentes de l’industrie cinématographique. Dans une interview exclusive accordée à notre webmagazine dans le cadre du projet « Célébrons nos icônes », Mme Anite-Gbouhi partage avec nous ses réflexions sur son parcours, les défis rencontrés et les leçons apprises. Elle nous dévoile également ses secrets pour évoluer dans ce domaine en constante évolution, ainsi que sa vision pour l’avenir du cinéma. Plongez avec nous dans cet échange inspirant avec une pionnière du 7e art.

Alafiakultur : Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Mme Anite-Gbouhi : Je suis Mme Lelly Kossa Anite-Gbouhi, opératrice culturelle. J’ai travaillé sur des projets de séries puis de long-métrages en tant que Scripte au Burkina Faso et au Togo. De 2017 à 2022, j’ai été Déléguée du Festival du film documentaire de Blitta (FESDOB), puis des Ateliers documentaires de Blitta (ADOB). Je suis aussi Formatrice. J’ai donné des formations en Scénarisation – Scripte – Assistanat à la Réalisation au Togo et au Bénin. Je suis la représentante du Festival du Film Espoir (FIFE) édition du Togo. Mon dernier court-métrage ‘’Parfois le destin’’ qui a été produit en 2022 a été le Grand prix de la Semaine Nationale du Cinéma Togolais (SNCT) 2022. Aujourd’hui je suis Chargée de production du programme européen Togo Créatif depuis février 2023. J’ai participé à des jurys de films nationaux et internationaux et je suis la présidente de l’Association des Femmes du Cinéma et de l’Audiovisuel au Togo (AFECIAT).

Quel est votre parcours académique et professionnel ?

Ingénieure des Travaux audiovisuels et Cinéma, diplômée de l’Institut Supérieur de l’Image et du Son (ISIS) à Ouagadougou de 2005-2009. J’ai participé ensuite à plusieurs formations de renforcement de capacités, entre autres en administration des organisations culturelles et en organisation de festivals.

À quel moment avez-vous décidé de vous engager dans cette carrière ? Y a-t-il eu un événement marquant ?

Je dirais que, finalement, c’est le cinéma qui m’a choisie. Mon parcours a commencé de manière inattendue :  j’étais étudiante en Allemagne. Lors de mes vacances au Burkina Faso, où j’ai vécu à partir de 12 ans, mon parrain, feu Idrissa Ouédraogo, célèbre cinéaste et ami de la famille, m’a informée de l’ouverture prochaine d’une école de cinéma après l‘INAFEC, sachant que je voulais faire du cinéma.  Il m’a encouragée à passer le test d’admission. J’ai été retenue pour la première promotion de l’Institut Régional de l’Image et du Son (IRIS), devenu par la suite ISIS. C’est ainsi que mon aventure dans le monde du cinéma a débuté.

Quelles sont les principales réalisations dont vous êtes fière en tant que cinéaste ?

Ma fierté est d’avoir transmis mon savoir à des jeunes, surtout l’expérience du Bénin à l’Isma et de fédérer des femmes cinéastes à travers l’AFECIAT. J’ai eu des étudiants qui aujourd’hui ont commencé une carrière internationale (c’est inestimable pour moi).

Qu’est-ce qui vous inspire dans votre travail ?

Inspirer la génération montante et contribuer à la professionnalisation du domaine des industries culturelles et créatives par mes engagements professionnels, associatifs… Encourager et soutenir la génération montante.

Comment décririez-vous votre style de réalisation ou vos thèmes de prédilection ?

Déjà j’ai été depuis une dizaine d’années beaucoup plus dans l’administratif. Du dernier court-métrage que j’ai réalisé je ne peux pas cacher que ce sont des films à portée sociale que je ferai. Style de réalisation, je dirai qu’il est en cours de construction et basé sur une profonde admiration pour les œuvres des ainé.e.s qui forcément m’influencent…

Qu’est-ce qui vous a motivée à créer l’association de femmes cinéastes ?

Tout a commencé en 2020, au cœur de la pandémie de Covid-19, avec la création d’une plateforme WhatsApp. Cette initiative visait à partager des informations pertinentes sur le cinéma et à offrir un espace de discussion pour les cinéastes femmes, permettant ainsi de maintenir des liens malgré le confinement. Face à l’engouement croissant et aux besoins diversifiés, il a été décidé de formaliser le groupe en une association.

Quels sont les objectifs principaux de votre association ?

  • Renforcer l’éducation et la sensibilisation de la gent féminine du Togo aux métiers du 7ème Art ;
  • Offrir aux femmes cinéastes du Togo, un cadre d’échanges et de partage d’expériences pour une productivité d’œuvres de qualité ;
  • Encourager les jeunes filles à s’engager dans le domaine du cinéma et de l’audiovisuel en mettant l’accent sur la formation et la recherche de l’excellence ;
  • Favoriser la coproduction entre les femmes cinéastes du Togo et celles de la diaspora ;
  • Faciliter aux femmes cinéastes du Togo, l’accès aux matériels et aux structures de production et de diffusion d’œuvres cinématographiques ;
  • Entreprendre une démarche de promotion des films de femmes en facilitant leur participation aux festivals, aux résidences d’écriture et autres actions de promotion du 7ème Art de par le monde.

Quelles initiatives ou projets avez-vous mis en place pour soutenir les femmes dans l’industrie cinématographique ?

A ce jour, l’association est porteuse des projets Yala Laba, Fabrique de Films de Femmes pour encourager la production, Les Ateliers Srônu pour la formation, le Festival International du Film Espoir-Edition du Togo, pour la promotion et Le Gala des Etoiles, pour récompenser et promouvoir la compétence par la compétitivité.

Quels sont, selon vous, les principaux défis auxquels les femmes sont confrontées dans le domaine du septième art ?

Elles-mêmes : qu’elles ne cèdent pas aux intimidations internes et externes pour pouvoir avancer. C’est déjà un domaine ‘’polémique’’, même pour les hommes. Donc quand elles s’y engagent, elles doivent être prêtes. (Rires)

Ces défis sont énormes. Je vais les résumer en disant qu’il y a souvent une sous-représentation des femmes dans les rôles de leadership, tels que réalisatrices, productrices et scénaristes ; des disparités salariales persistent, avec des femmes souvent payées moins que leurs homologues masculins pour des rôles similaires ; les femmes ont souvent plus de difficultés à obtenir des financements pour leurs projets en raison de préjugés et d’un manque de réseaux de soutien ; Les pressions sociales rendent difficile l’équilibre entre leur carrière et leur vie personnelle…

Avez-vous rencontré des obstacles spécifiques dans votre propre carrière ? Si oui, comment les avez-vous surmontés ?

Ce sont des obstacles comme dans tous les domaines. Je ne sais pas quoi citer… Je dois dire que je n’ai jamais été intimidée par des hommes pour obtenir des postes sur le plateau. Il faut dire également que j’ai commencé à travailler avec des femmes. Ma première expérience a été en tant qu’Assistante Scripte avec Carine Sawadogo, puis en tant que Scripte sur la série de Valérie Kabore, ensuite avec feu Missa Hebie, Idrissa Ouedraogo ; puis avec Boubacar Diallo.

Sur le plateau de tournage de mon film, j’évoluais déjà dans une relation d’équité : je fais mon travail, fais le tien ! Femme – homme, que chacun fasse le travail pour lequel il est payé ! Et au mieux !!!

Mme Lelly Kossa Anite-Gbouhi

Quelles sont vos ambitions pour l’avenir, tant pour votre carrière que pour l’association ?

Mes ambitions pour l’avenir s’articulent autour de l’évolution de ma carrière et du rayonnement de l’association. D’un côté, je souhaite continuer à développer mes compétences et à jouer un rôle actif dans la promotion du cinéma et des arts, en mettant en lumière des talents émergents et en contribuant à la création de projets qui inspirent et transforment les perceptions. De l’autre, pour l’association, mon objectif est de renforcer son impact local et international, en mettant en œuvre les projets de l’association et en consolidant des partenariats avec des institutions clés.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui aspirent à entrer dans l’industrie du cinéma ?

Pour réussir dans l’industrie du cinéma, les jeunes femmes doivent croire en leur vision et cultiver leur créativité, même face aux stéréotypes ou obstacles. Il est important de développer des compétences polyvalentes, d’apprendre les bases du métier et de construire un réseau solide en participant à des festivals et à des groupes collaboratifs. La persévérance est essentielle pour surmonter les défis, en s’inspirant des figures exemplaires qui ont marqué le cinéma. Raconter des histoires authentiques et personnelles est la clé pour apporter une voix unique et enrichir l’industrie. Enfin, il est crucial de chercher des financements et de partager son travail à travers des plateformes ou concours afin de se faire reconnaître et progresser.

Votre mot de fin

Je tiens à exprimer ma profonde gratitude au Ministère de la communication, des médias et de la culture du Togo pour l’engagement et les efforts constants déployés en faveur de la mise en place d’un cadre légal propice à l’épanouissement des cinéastes dans notre pays. Je remercie chaleureusement Alafiakultur pour cette reconnaissance, ainsi que toutes les Etoiles de l’AFECIAT, des dames passionnées et visionnaires, tous ceux dont le soutien et la confiance rendent l’aventure de la vie si précieuse. Ma profonde gratitude à nos partenaires de toujours, les hommes, pour leur contribution essentielle dans cette co-construction d’un monde plus juste et équitable. Le meilleur reste à venir, chères Étoiles.

Propos recueillis par Farrida Ouro-Adoï

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