Interview/Byll Délali Ahlonkoba Martine : De l’enfance à la scène, une passion pour le 7e art

Dans le monde du cinéma, certaines trajectoires sont marquées par des souvenirs d’enfance, des passions enfouies et des rencontres déterminantes. C’est le cas de Mme Byll Délali Ahlonkoba Martine, une artiste au parcours singulier qui a su allier ses racines à son amour pour le 7e art. Au fil des années, elle a cultivé cette passion, non seulement en tant qu’actrice, mais aussi comme une observatrice attentive des nuances qui font la magie du cinéma. Dans cette interview, Mme Byll partage son histoire, son parcours et l’impact indélébile que son père a eu sur son cheminement artistique. De ses premières expériences au cinéma à ses rôles marquants, elle nous invite à découvrir son monde, nourri d’émotions et de souvenirs vivants.

Présentez-vous à nos lecteurs s’il vous plait

Je m’appelle Byll Délali Martine Ahlonkoba. J’ai beaucoup de prénoms mais sur mes œuvres je signe Byll A. Martine. Le « A. » est très important pour moi, car il représente Ahlonkoba, mon prénom ethnique côté Papa mais aussi Adidja que ma Maman Arabe m’a donné. « A. » me font penser à Papa et à Maman.

Parlez-nous un peu de votre parcours dans le domaine du 7e art. Quand est-ce que tout ça a commencé ? Est-ce que vous avez suivi une formation dans le domaine ?

Quand je parle de cinéma, je fais un coucou à mon père. Parce que dès l’âge de 5 ans, il m’emmenait voir des films. L’endroit de projection était à ciel ouvert, grillagé, bien aéré et pas loin de notre maison. Donc on y allait à pied. Mon acteur préféré était le Cowboy, John Wayne. Et quand on retournait à la maison, après les projections, je restais derrière Papa et j’imitais les pas de John Wayne sans qu’il ne s’en aperçoive. Je ne savais pas qu’une fois grande, je rentrerais dans le monde du cinéma.

Et maintenant que je suis dans ce domaine, je me dis que je faisais déjà attention aux sons. Par exemple, lorsqu’il y avait des scènes d’embrassades, étant à côté de papa, je baissais la tête. Quand la musique change, le son change, je me disais : « Ah, ils ont fini de s’embrasser ». Alors, je levais la tête. Ce sont des choses qui m’ont marquée depuis mon enfance.

Je me suis mise vraiment dans le cinéma à partir de 2011, par l’actorat avec mon fils Jean Marc. On se regroupait chez moi pour suivre des formations et s’entraîner. J’allais aussi chez Atchina Emouvi le Costaud.

J’ai été actrice dans :

– « Les escales de l’oubli », de Jean-Luc Milheaye ;

– « Hospital It », une série de Angela Aquereburu Rabatel ;

– « Figurante dans Rhum heure », de Maxime Tchinkoun.

En actorat, la formation est très importante car il y a des règles à suivre pour capter l’attention de celui qui vous regarde, pour transmettre dignement ce que le scénario vous demande. J’ai mis fin à l’actorat pour des raisons de santé, car pour réussir à se mettre dans la peau d’un personnage, il faut être en forme sur tous les plans.

J’ai décidé alors de me consacrer à l’écriture. Apprendre à écrire des scénarios, est vraiment un avantage pour pouvoir exprimer ce que l’on ressent, ce que l’on peut partager avec les autres. Apprendre à écrire est très important car on ne peut pas se lever et dire : « je suis scénariste ».

Je me suis intéressée aussi à la réalisation, en participant à plusieurs formations.

  • Atelier d’écriture de scénarios de Plumes d’Ecran de Maxime Tchinkoun.
  • Formation à Le Plus Production de Antonio Palouki Tchangai en : écriture de scénario, analyse filmique, réalisation, technique de prise de vue et de prise de son.
  • Plusieurs formations à Blitta au Festival de Film Documentaire de Blitta (FESDOB), en scénarisation et réalisation de films documentaires.
  • Formation en scénarisation de film documentaire au Camp International des Cinéma Africain de Ouida (Bénin) (CICAO).
  • Formation en technique de réalisation au Festival International du Film du Togo (FIFTO).
  • Formation au Centre National du Cinéma et de l’Image Animée (CNCIA ), en écriture et réalisation de films fictions.

Nous avons appris que vous avez une maison de production, et que vous êtes la productrice de l’émission « Ciné Art ». Est-ce que la maison de production, est toujours d’actualité ? Comment ça se passe aussi avec « Ciné art « ?

Oui, j’ai une maison de production, Arts-Mode-Médias (A2M).

Un jeune talent togolais était venu me voir en 2013 pour me proposer une belle idée : mettre la lumière sur tous ceux qui travaille derrière la caméra, car lorsque l’on est devant l’écran, on ne voit que les acteurs. Ce jeune talent, c’est Israël Tounou.

J’ai trouvé ce projet génial car les gens ne se rendent pas compte du gros travail qui se passe derrière la caméra et après les tournages. En plus, à la fin des projections tout le monde se lève sans faire attention au générique de fin.

Je pense vraiment qu’avant chaque projection de film, il faut dire ceci: « S’il vous plaît, mesdames et messieurs, à la fin de ce film, ne vous lever pas. Prêtez attention au générique de fin qui vous montre toute l’équipe qui a travaillé sur ce film ».

J’avais commencé « Ciné Art » avec mes propres sous, mais ce n’était pas facile.

J’ai eu l’idée d’aller discuter avec M. Aquereburu Richard qui a eu confiance en moi et m’a mise en communication avec Canal + qui a accepté d’être le sponsor de Ciné Art. Je remercie infiniment la femme de M. Aquereburu Richard, qui nous a ouvert les portes de la Résidence des Tropiques pour les tournages de « Ciné Art ».

Je remercie aussi l’OIF qui nous a aussi aidés.

Finalement, Israël et moi avons coproduit Ciné Art.

Pour la diffusion de « Ciné Art », j’ai choisi la TVT, ayant à sa tête, M. Kouessan Yovodevi qui m’a accueillie les bras ouverts en ces termes : « Toi Martine, je te connais, j’ai confiance en toi. Je sais que cette émission sera bien, mais je veux voir le présentateur ».

Je suis allée lui présenter Israël Tounou et les portes de la TVT ont été ouvertes à « Ciné Art ».

Je remercie aussi le Directeur de Goethe Institut Togo, qui a aussi aimé « Ciné Art » et m’a mise dans un groupe de femmes cinéastes pour participer à Ecran Noir à Yaoundé en 2016.

Dans Ciné Art je m’occupais de beaucoup de choses :

  • J’ai surtout négocié avec l’Ecole Supérieure des Etudes Cinématographiques et de l’Audiovisuel (ESEC), pour avoir accès au matériel à prix réduits et travailler avec ses étudiants.
  • J’allais les chercher avec ma voiture et retourner les déposer avec leur matériel.
  • J’assurais la déco sur les lieux de tournage et l’habillement de notre présentateur, je m’occupais aussi de la restauration et du paiement de tous les techniciens à la fin de chaque tournage. Ce sont des étapes qui m’ont donné beaucoup d’expériences et de patiences.
  • Après j’ai laissé « Ciné Art » à la jeunesse montante.
Tournage du film La récolte

Combien de films avez-vous à votre actif ?

  • Entre 2017-2018, à la fin de ma formation à Le Plus Production, j’ai réalisé « La récolte ». Ce film donne l’idée d’un documentaire sur l’agriculture aux gens, mais il s’agit d’une fiction qui parle du Boomerang : « Dans la vie, tu récoltes ce que tu sèmes ».
  • Le deuxième film fiction est « La Tourterelle » en hommage à ma grand-mère que j’appelais Nana : la mère des mères.

Dès mon enfance, elle me parlait des messages de la nature par le chant des oiseaux comme la tourterelle.

Dans les champs, elle me disait : « Ecoutes le message de la tourterelle qui nous dit : Améguédéo yi kotoumé, Améguédéo yi kotoumé » et lorsque je lui ai posé la question sur la signification de ce message, elle m’avait répondu: « Tu comprendras lorsque tu seras grande ».

Il y avait aussi un autre oiseau, le Tine Tivi qui disait : « Agbléa ndi ndi yo danè » (le champ se cultive tôt le matin). Et là, elle m’a expliqué que si je veux réussir quelque chose, il faut que je me lève tôt pour l’accomplir.

Ce sont des choses qui m’ont marquée et que j’ai voulu transmettre par La Tourterelle. Mais il y a eu des blocages pour la sortie de ces films, mais je ne baisse pas les bras, ils vont sortir.

Repérage pour le film La Tourterelle

Quel regard avez-vous du cinéma togolais ?

Moi, je dirais tout simplement que le cinéma togolais a évolué. Bon nombre de cinéastes ont reçu des prix. Il y a eu des boîtes de production qui investissent beaucoup, malgré les difficultés financières et certaines de leurs œuvres sont en train de faire le tour du monde. Je pense que toutes ces personnes méritent d’être félicitées et encouragées. Ce que j’aimerais le plus, est que tout ce monde se rassemble. Le vivre ensemble peut amener le monde du cinéma très loin. Il faut mettre l’accent sur les formations dans chaque domaine, car il y a des règles à respecter. Concernant la production, il faut de bons producteurs. Il ne suffit pas de dire : « Je produis. »

Il faut savoir chercher des financements, mais aussi savoir distribuer. Il y a de nombreuses choses que le producteur doit connaître pour que les films aient du succès partout dans le monde.

Le 17 mai prochain, vous recevrez un prix de reconnaissance lors du Gala des Pionniers au Bénin. Selon vous, qu’est-ce qui vous a valu ce prix ?

C’est vraiment une grande surprise pour moi.

L’année dernière je suis allée au Bénin pour suivre une formation en réalisation de films documentaires au CICAO, organisée par M. Ayimar Rodolphe Sangnidjo. J’y ai rencontré beaucoup de jeunes qui m’appelaient « La plus jeune du groupe », vu mon assiduité, mes interventions et apports.

Malgré tout le temps que prenaient la formation, le responsable m’a choisie pour compléter la liste des membres du Jury, pour la sélection des films (43) à primer car plusieurs membres prévus étaient absents. Malgré mon état de santé, j’ai tenu le coup et les résultats ont été acclamés.

Je crois que ma nomination vient de cela, mais ils le diront le jour J.

Cette nomination est un grand honneur pour moi.

Mes films ne sont pas encore sortis, mais je pense que cela m’a réveillé. J’ai plein de projets : un film documentaire que j’écris depuis quelque temps, deux films que je suis en train de peaufiner, un long-métrage et un court-métrage. Ce qui vient de se passer m’a donné le courage de ne pas baisser les bras et de continuer à avancer. Je pense que les choses n’arrivent pas par hasard. Je remercie sincèrement ceux qui ont pensé à moi.

Votre mot de fin

Je demande, avec humilité, au Gouvernement de nous aider. Parce que c’est un métier très important qui peut faire grandir notre Pays, le Togo.

Partager sur

Facebook
Twitter
WhatsApp

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *